LESS ACTION, LESS EXCITEMENT, LESS EVERYTHING

THE INTERNATIONAL NOTHING

FTARRI 219

Distribution : Metamkine

CD

Kai Fagaschinski et Michael Thieke proposent une musique un peu mélancolique à mi-chemin des textures tendues du drone acoustique riche en partiels bruités (embouchures, doigtés spéciaux) et un travail poly/monodique de ritournelles vaporisées comme un territoire d’embruns.
Chacun a un canal. Des unissons puis des battements à gauche, des trilles à droite, des socles de multiphoniques, des moments de soft bruitisme (souffle et mécanique), des lignes mélodiques oscillant sur les notes de basse, des panoramiques croisés. Les dynamiques, les nuances, les durées, les hauteurs, les articulations entre chaque séquence ont beau être préméditées et infléchir l’écoute à travers le jeu, les pauses, les nuances, les tempi, l’emploi « souterrain » de multiphoniques, fondation des mélodies brouillent les frontières, proposent un territoire sans bornes en expansion permanente; une interpolation entre système dynamique et bruités. Ni « onkyo« , ni bruit, ni vérolé par l’idiomatisme « savant » et son goût immodéré pour la virtuosité, métaphore de l’autorité. C’est de Christian Wolff que le duo me semble le plus proche (« Tuba song« , « Trio III« ) précisément pour l’importance des interactions du jeu au cœur de l’idée compositionnelle comme ambiguïté formelle et inclassabilité. Le politique aussi les rapprochent car Kai Fagaschinski et Michael Thieke ont remisé les écrans, les pédales, à dessein, par choix minimaliste du retour à l’outil mécanique, à la mesure Joule animant ce simple tuyau d’ébène qu’est une clarinette (mais combien de siècles de perfectionnement derrière !) et qui ne dépend d’aucune centrale nucléaire, d’aucun logiciel pour exister. Une démarche intemporelle, sous-titrée « Less action, less excitement, less everything » moins de mode et de mercantilisme à courir devant l’obsolescence. Moins de musique assistée par l’argent/temps et le matériel à mesurer le temps du savoir ; culte techno fétichiste dont aucun sbire bien éduqué ne saurait plus se passer. La caution du nouveau, le frisson avantgarde dévoyé, réduit à un idiome coûteux où l’effet dérive d’une performativité sans objet. Les causes, les destinataires, la singularité ? De quoi parlez-vous ? Une musique attendant qu’une nouvelle espèce advienne qui remplacera la tristesse par la joie, le travail par la création, la révolution par l’évolution, l’idolâtrie de soi par une pan-zoologie hommesanimaux… D’où peut-être cette aura brumeuse sur le duo détourant à petites touches un avenir lourd et lointain entre requiem et doléance. Intéressant.

BORIS WLASSOFF

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