REPLI-K 07

SOIXANTE ÉTAGES

33REVPERMI CD 3012

Distribution : Metamkine

CD

Il semble qu’un seul accord vienne ouvrir ce disque. Et puis finalement, non… Dissimulé dans le soufflet de l’accordéon c’est une sorte d’unisson en concrétion. Pas de longueur, pas de déséquilibre, pas de délayage, mais des surprises… Cet objet, d’un peu plus de quarante minutes, s’écoute d’un trait comme un récit musical à la fois osé, riche, complexe et varié. Aucune place pour l’ennui.
Notre oreille voyage sur le chaos d’un « électrotrain » et nous conduit le long de plages claires et concises. La voix d’Heidi Brouzeng est placée par moment comme celle d’une conteuse, à d’autres comme une poétesse ou encore comme une simple passante qui emplit l’espace sonore à la manière d’un très bel instrument textuel. Les ombres de Frank Zappa et Pascal Comelade font des passages en transparence dans le studio. Ils ont dû ressentir les ondes, recevoir le message et ils y répondent en dirigeant les médiators ou les touches d’un piano jouet. Au milieu de ces univers entre l’acoustique et l’électrique une reprise de Captain Beefheart, dont le son semble surgir d’un labo photo noir et blanc.
La musique de « Don Van Vliet » et « Ira Ingben » s’écoute au travers du premier bac photo, ce bain liquide transparent révélant l’image sur un fond forain trituré au diamant. La scène est puissante. Tiré de l’album « Blue Jeans & Moonbeam« , « The Party of Special Things to Do » confirme soudain à l’auditeur, si c’était nécessaire, que le Rock est de la partie mêlant ainsi le plaisir du riff de guitare au cheminement de l’expérience musicale. À ce moment précis les stands de tirs sont en effervescence et on s’attend à croiser la femme à barbe ou l’homme sans tête. Dans ce disque, on prend plaisir à enfiler un masque de truite, à se perdre dans les yeux de galops de cette femme inconnue, à parfois attendre l’heure qui vient en prenant un verre accoudé à un bar mou avec vue sur la plaine verte du Tibet. Dans un écho délicieusement bruitiste, sensuellement crépitant, les tintements de verres, les électrophones, « cassettophones » et autres « radiophones » m’ont parlé. Les bruits du monde, l’humain et ses râles, la guitare rock et ses torsions, les fêtes foraines et ses gamins qui courent, les inspirations et expirations des jouets, des trompettes, des harmonicas, des soufflets d’un accordéon tantôt sous-marin tantôt électrique m’ont guidé. Toujours rattrapé par le col, même une fois grisé, jamais abandonné sur le bord de la route, on s’approche du son à la manière d’un objectif qui scrute la pulsation et on s’en va par surprise. « Repli-K 07 » s’écoute comme une sorte de synthèse, une musique qui tient compte d’une expérience variée, vivante et vibrante de ceux qui la font. Toutes ces petites pierres que nous entendons sont construites par des strates d’écoutes successives, mises au jour par des mineurs acoustiques, lâchées le long du chemin pour nous indiquer la route, puis jetées en l’air, données à entendre dans une foule secrète d’oreilles amies.

HERVÉ BIROLINI

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