LE MENSONGE ET L’IDENTITÉ / SENS(E) ABSENCE

QUATUOR BOZZINI

LE MENSONGE ET L’IDENTITÉ

COLLECTION QB CQB 1110

Distribution : Orkhêstra

CD

QUATUOR BOZZINI

« SENS(E) ABSENCE

COLLECTION QB CQB 1111

Distribution : Orkhêstra

CD

Le quatuor à cordes québécois nous gratifie pour ce premier semestre 2011 de deux nouvelles productions* bien que l’une des pièces du dernier, la composition de Daniel Rothman ait été enregistrée il y a déjà 4 ans. Au-delà de la diversité des auteurs (après Reich, Tenney, Skempton, Goldstein, Vivier et quelques autres, les quatre musiciens se sont d’abord adressés à deux activistes d’Ambiances Magnétiques, un compositeur allemand et un dernier, Daniel Rothman qui œuvre dans la mouvance des enregistrements Lovely), il y d’abord des pièces qui interroge l’homme, à la fois dans son positionnement dans la société, que part rapport à lui-même. Mensonge, identité, sens, absence. Il y a comme une complémentarité entre les deux réalisations. Seul, peut-être la composition d’Ernstalbrecht Stiebler Sehr langsam (très lentement) échappe à ces questionnements, tout en mettant en jeu la capacité d’écoute, des notions de patience, parfois inhérentes à la recherche de sens, tandis que l’absence – d’un être souvent – peut être lié à une incapacité d’écoute ou à un manque de patience…
Structurellement, et musicalement, il y a toutefois deux approches. « Le mensonge et l’identité » privilégie plutôt le dynamisme, le mouvement, l’éclatement pour une pièce qui met en jeu le rapport de l’individu (les musiciens, du 2e mouvement au 3e, s’individualisent progressivement) à la communauté (le 1er mouvement privilégie l’entente, le regroupement). « Sens(e) Absence » par les deux titres qu’il propose joue plutôt sur le mode minimaliste et l’intériorisation. 
Dans la composition de Jean Derome et Joane Hétu, les cordes virevoltent, grincent, jouent tantôt en unisson, tantôt en opposition et se démarquant l’une de l’autre (même physiquement, l’enregistrement donnant à attendre les bruits de pas…), usant des diverses techniques de jeu des cordes. L’intervention de la voix, récitée, citant tel ou tel auteur (Hubert Reeves, l’actrice Brigitte Poupart, Françoise Giroud…), faisant tel ou tel constant sur l’état du monde, affirmant des certitudes voire mentant et conjuguée tantôt en allemand, tantôt en français, parfois en anglais voire en italien participe de cette individualisation, (rappel des suites de la tour de Babel ?). Un enregistrement tourbillonnant et plutôt passionnant.
Sehr langsam, la pièce de Ernstalbrecht Stiebler, élève dans les années 50 de Stockhausen, se présente comme un drone qui s’écoule pendant près d’une demi-heure, montrant les affinités du compositeur avec l’univers d’un – par exemple – La Monte Young (trio for strings). Sans être foncièrement originale, la qualité de l’enregistrement met en évidence le jeu complémentaire des trois registres de cordes (violon, alto, violoncelle). Sens(e) Absence semble être la suite logique. La composition de Daniel Rothman use aussi du drone, mais elle présente de subtiles variations de tonalité, comme si alternativement chacun des registres des cordes prenait l’avantage pour se fondre dans un processus qui intègre quelques interruptions et silences (10 à 15 secondes), avant de reprendre avec des sonorités parfois plus proches de l’univers électronique. Un second enregistrement qui nécessite une approche différente de l’auditeur.
*au moment où cette chronique est rédigée, paraît un 3e enregistrement, « Aberrare » CQB 1112…

PIERRE DURR

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