TUNIS
Artiste anglais, Leafcutter John fait pour moi figure à part dans le paysage des musiques dites electronica. Je l’ai toujours suivi, même si de loin, depuis ses débuts sur le label de musiques électroniques dures, breakcore comme on dit, Planet Mµ (principal label de Venetian Snares entre autres, pour vous situer). Plus à ranger (s’il le fallait) du côté des artistes sonores, voire plasticien sonore adepte de performances parfois inattendues comme la sonorisation d’un plancher d’une galerie ou école d’art, ou encore l’écriture de ses propres logiciels de son (disponibles gratuitement sur son site).Ce boulimique d’expériences a même reçu le prix Ars Electronica en 2004. Son profil m’évoque un peu le parcours de Janek Schaefer. Souvent assimilé aux artistes à mi-chemin entre l’expérimentation et les musiques électroniques tels Aphex Twin ou Keith Fullerton Whitman, Leafcutter John mélange avec une facilité déconcertante musiques électroacoustiques, folk, ambiant et bien sur electronica. Son parcours est tellement sinueux et devant l’hyperactivité du bonhomme je vous invite vivement à découvrir son site http://leafcutterjohn.com. Comme son nom l’indique, ce disque a été réalisé à Tunis dans une cathédrale en juin 2010 lors du FEST (Festival Sound Echos of Tunis), avec comme principales sources des sons enregistrés dans cette même ville quelques jours auparavant. Parmi sa palette sonore, citons le travail sur la (les) voix. Le titre »Palm reader » s’inscrit directement dans le champ des musiques électroacoustiques telles que Steve Roden les affectionne, notamment sur sa magnifique pièce »The Radio ». On y retrouve cette même atmosphère crispante et belle à la fois. On lorgne vers les musiques acousmatiques sur le titre suivant, »Introduction in the wrong place ». Les guitares filtrées chères à Christian Fennesz font leur apparition ensuite. Seul le titre »Polysomnogram » me semble dispensable, trop pop aux vues des autres morceaux. Le final fonctionne assez bien avec une plongée au synthétiseur ou affilié, en tout cas aux sonorités proches des Hurdy Gurdy par Jim O’Rourke pour Phil Niblock, où l’on retrouve sur ce disque, comme ici, un travail sur la voix, »Touch Works, for Hurdy Gurdy and voice » paru sur le label anglais Touch. Un bien bel album à la pochette soignée (digipack).Tsuku Boshi est un label de la région parisienne à consonances electronica et expérimentales. Mais c’est également une véritable plateforme multimédia où il est possible de télécharger nombre de travaux (notamment ceux de Discipline que je vous conseille) et autres compilations dans la section »Tsuku Tsuku Grammofon ». Outre le très bon disque de Leafcutter John, nous avons reçu à la rédaction leur compilation « Essmaa » ( »écouter » en arabe) en double Cd et digipack. Deux disques bourrés de participants qui se sont vus proposés les enregistrements d’Aymeric de Tapol à Tunis en décembre 2009 avec en vrac Dj Elephant Power, Uske Orchestra, Lodz, Sébastien Roux, Rainier Le Ricolais+ David Sanson, Dino Felipe, Dj Olive, Hypo, Mathias Delplanque, Greg Davis, Scanner, Sutekh, Leafcutter John ou The Aktivist sur la quarantaine d’artistes/groupes présents. Un casting somme toute assez classique lorsque l’on parle d’ electronica et de compilations du genre, plutôt dans les bonnes, des dix dernières années. Il est toujours difficile de chroniquer des compilations avec autant d’intervenants, trop dense pour tout décrire. Il n’est toutefois pas simple non plus de déceler derrière toutes ces inspirations les traces d’échantillons des sons glanés. Dans l’autre camp, là où c’est très clair, je retiendrai le joli morceau de Lodz. Pour le reste, pas toujours ma tasse de thé il faut le dire. Et la surabondance de compilations du genre déjà éditées des millions de fois ne me pousse pas à me motiver davantage. Mais je soutiens malgré tout l’initiative et c’est pourquoi je vous encourage à aller sur leur site web car c’est une source complémentaire et à la fois introductive à l’univers du label. Et de découvrir une autre compilation, mais du label Autres Directions, »The noise and the city ». Je ne dis pas qu’elle est mieux, mais dans le même thème, j’ai préféré.
CYRILLE LANOË