キ、QUE、消えん?KI, QUE, KIEN?

HISATO HIGUHCHI

WV SORCERERWV055 – 2022
CD


Après quelques très beaux disques sur PSF, Family Vineyard, Ghost Disc, de ce blues minimaliste tokyoïte qui le caractérise, Hisato Higuchi sort ce nouvel opus sur WV Sorcerer. Un nouvel album qui reprend ces arpèges d’une extrême lenteur se dissipant dans le souffle de son ampli, cette voix au seuil de la disparition, comme entendue du lointain d’un songe, moanin’ des bluesmen. Sa musique évoque celle de Loren Connors, on l’a beaucoup écrit, mais pour autant elle ne se résume pas à un écho asiatique de celle-ci, elle est tout autre, presque gazeuse, elle n’a pas l’anthracite monochrome de celle de Connors. Elle est jeu d’ombres évanescentes, images flottantes aperçues derrière le shoji, fragile. Il crée des motifs délicats sur sa Jazzmaster qui dessinent des mélodies d’une beauté rare, de ces belles endormies auxquelles on se joint et s’abandonne. J’ai souvent évoqué dans la musique japonaise ce sentiment très fort d’une mélancolie du présent, une grande part de la culture nippone en est imprégnée, ce sentiment d’impermanence, de fêlure du temps présent, l’iki, cette silencieuse paix du ravissement, Higuchi en est pénétré, sans en avoir conscience, ce qui en est la condition. Il semble regarder chaque note s’évanouir, l’accompagner d’une autre, avant qu’à son tour elle ne meure, comme voulant les retenir, il faudrait alors ne pas jouer, qu’elles ne naissent pas pour ne pas mourir. Si sa musique est une élégie rilkéenne, le murmure de la mélancolie, elle est aussi une musique qui s’invente, se cherche dans le grain d’un overdrive, d’une reverb’ mourante, qui convoque tous les possibles d’une guitare électrifiée, du hum d’un ampli, doigtés gelés restant sur une même poignée de notes, un ange passe, une autre note résonne. « Qu’un silence naisse / Et c’est qu’au-dessous de nos têtes / Un ange se met en travers du Temps » (Ryuichi Tamura, Le Monde sans les mots, Éd. La Barque).


MICHEL HENRITZI

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