
Tout le monde est différent. Certains plus que d’autres (Oscar Wilde). Revue & Corrigée défend les musiques différentes, plus différentes que d’autres. Mais pourquoi aime-t-on les musiques libres, et pas les gens libres ? (Bill Orcutt). On se le demande... Parce que voilà, c’est quasi mécanique : plus on est libre, plus on est soi-même, et fatalement, plus on est différent. Et ce qui vaut pour la musique vaut pour l’écriture. Certes, le langage informatif existe (passe-moi le sel). Mais il n’y a pas que la communication dans la vie du langage : il y a l’écriture aussi. Il ne s’agit même pas de savoir, du moins dans un premier temps, si elle est bonne ou pas, si on l’aime ou pas. Elle peut plaire ou déplaire, mais elle n’a pas à complaire : on ne demande pas à Merzbow de chatouiller nos oreilles dans le sens du lobe. Donc, certaines écritures sont plus différentes que d’autres. Et avec l’écriture aussi, comme avec la musique – et pourquoi pas, puisqu’on lit ici Revue & Corrigée, avec l’écriture sur la musique – on peut franchir le mur des cons. Et puis enfin, rien ni personne ne s’auto-sustente. Ce n’est pas la musique qui nourrit la musique, ni la littérature qui nourrit la littérature, ni la peinture la peinture etc. : c’est tout le reste.
Au cours de l’été 2018, j’ai été missionnée [...] par Frédéric Blondy [...] le directeur artistique de l’ONCEIM, orchestre qu’il a créé en 2011 – pour écrire les notes de pochette du disque à paraître en janvier 2019 sur le label Shiiin, Occam Océan, première et à ce jour unique pièce pour orchestre d’Éliane Radigue. À cette occasion, j’ai interviewé des musiciens de l’ONCEIM et rencontré une nouvelle fois Éliane, que je connaissais depuis la création d’Elemental II, sa première pièce instrumentale, par Kasper Toeplitz. Pour Occam Océan, son histoire et son processus de création, on voudra bien se reporter à ces notes de pochette, qui incluent un texte d’Éliane et les interviews croisées de six des musiciens de l’orchestre : ce qu’ils en disent est passionnant ; la parole des praticiens sur leur pratique, quelle qu’elle soit, est toujours passionnante. Mais il y avait tout ce que m’avait dit Éliane et qui débordait du cadre de ces notes de pochette, et aussi ce que je pouvais avoir à en dire, qui en débordait plus encore. D’où le présent texte.
La magie de spectacle, dans sa relation avec la science – relation ambiguë, le magicien jouant parfois avec la science et se jouant parfois d’elle, le spectateur ne sachant plus alors à quoi il assiste...
Diables des débuts, enchantés et pourrisseurs des milieux et des fins, certains musiciens sont comme un acide léger et préalable, et il y a dans leur action une force active qui rayonne depuis un commencement tellement foudroyant qu’il évacue d’emblée violemment la question de ce qui aurait pu venir avant.
James Saunders est un compositeur anglais né en 1972, qui s’inscrit clairement dans la ligne des musiques expérimentales, à la suite de la « New York School » bien sûr, mais également dans la lignée plus britannique (John White, Cornelius Cardew, AMM, Scratch Orchestra etc.).
Au début – et pendant très longtemps, bien plus d’un siècle – c’était facile, les camps étaient clairement séparés et les fonctions, droits et devoirs, bien définis ; il y avait même une hiérarchie, bien qu’elle fût rarement directement évoquée – sauf par quelques-uns, Pierre Boulez en tête, quand il disait que « si un interprète avait capacité à créer, il serait compositeur »
Quelles origines donner aux chaînages de sons et de notes taillés dans la masse par Bill Orcutt, musicien grandi en Floride, ayant soustrait deux cordes à ses guitares pour n’en garder que quatre et tirer cette musique pour le moins singulière ?