UP HERE IN THE CLOUDS

CINDYTALK

EDITIONS MEGO 106

Distribution : Metamkine

CD

N’aimant pas parler pour ne rien dire, Gordon Sharp (le musicien se cachant en fait derrière CINDYTALK) préfère communiquer au travers des sons comme des formes et des textures qu’il invente à partir d’eux. Ceux qui connaissent bien le deuxième album de ce groupe britannique monté sur les cendres de Freeze le savent, eux qui ont eu tôt fait d’y repérer un sample extrait du film de Godard « Vivre sa vie« , et dans lequel l’importance du langage est justement débattue. Secret, ce globe-trotter (dont la vie s’est faite en Angleterre, aux ÉtatsUnis, à Hong Kong ou au Japon) a longtemps distillé le chaud et le froid sans compter. En bon fan de Liz Frazer des Cocteau Twins, et pour le compte du projet collectif imaginé par le manager du label 4AD, à savoir This Mortal Coil, Gordon Sharp a composé (en fait coécrit), chanté et participé à la fameuse reprise de « Kangaroo » de Big Star. Disons qu’il s’agit là du côté sensible de sa personnalité, d’un de ces moments privilégiés au cours desquels il prend plaisir à s’épancher dans des ambiances automnales, fort d’une exquise délicatesse que peut lui envier David Sylvian. À l’opposé, bien des années après la première période de CINDYTALK, Gordon Sharp s’est longuement intéressé aux fréquences basses de la techno hardcore, avant de succomber – fasciné – au charme de l’autre extrémité du spectre sonore associée aux aigus. étaphoriquement au moins, et aux antipodes de This Mortal Coil, ces deux facettes ont été cultivées dans CINDYTALK, à des périodes différentes de la vie de Gordon Sharp. Déjà, les disques des années quatre-vingt dressaient la carte des méandres d’un cerveau passablement tortueux. Sons de tôles froissées, bruissements opaques d’obédience industrielle : CINDYTALK traçait alors sa voie avec témérité, à force de grincements courants dans les parages du post-punk, au point que la démarche a dû séduire Peter Rehberg du label Mego, pour lequel CINDYTALK a été réactivé. « Up Here In The Clouds » s’inscrit dans la foulée de « The Crackle Of My Soul« , mais bien que plus versé dans le bruitisme qu’à l’époque du pourtant singulier « Camouflage Heart » (le chant y avait encore sa place), Gordon Sharp y fuit quand même (c’est lui qui le dit) la fétichisation machiste des effets d’un Prurient, par exemple, lui préférant une approche sensorielle, tactile, et à l’origine d’interactions organiques entre embryons de mélodies et rythmes complexes. À ces nappes atmosphériques diffuses, sur le même label, et dans un registre voisin, l’on pourra toutefois préférer les disques de Mark McGuire, guitariste d’Emeralds, ou encore d’Oneohtrix Point Never.

PHILIPPE ROBERT

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