AMP / LES ANGES DU PÊCHÉ

LEE RANALDO / JEAN-MARC MONTERA / THURSTON MOORE

LES ANGES DU PÊCHÉ

DYSMUSIE DYSLP1

Distribution : Metamkine

LP

NOËL AKCHOTÉ / JEAN-MARC MONTERA / JEAN-FRANÇOIS PAUVROS

AMP LE POINT DU JOUR

LP

Deux magnifiques vinyles édités en France remettent, mais était-il nécessaire ?, la guitare au centre des débats. Avec un casting à casser la baraque, forcément ces noms là nous parlent. Et véhiculent avec eux une trentaine d’années bien tassée de jalons posés sur/autour/dedans voire en extension (n’a-t-on pas parlé de guitare environnante ?) de la six cordes, chacun à leur façon. Un réel bonheur des oreilles, des yeux et de l’esprit. Une musicalité des grands espaces, une liberté insolente, des instants de tous les dangers. Le titre « Amp », en plus de rassembler les initiales des trois protagonistes, n’oublie pas la technologie et rend hommage à l’ampli (traduction française est-il besoin de le souligner, de « amp »), parfois aussi maltraité que les cordes et érigé en tant qu’instrument et en tant qu’émetteur bien sur. Prenant sa place dans la triangulaire musicien/instrument/sonore. Les rôles s’échangent, tantôt celui de soliste, tantôt celui de rythmique, tantôt les deux, pour deux pièces distinctes tirées d’un enregistrement par Jean-Marc Foussat à la galerie de Cherbourg-Octeville, Le Point du Jour, en août 2009. Trois versions existent = un vinyl noir (dont j’espère que la série n’est pas aussi voilée que l’exemplaire reçu à la rédaction), un vinyl blanc et un livre/cd autour de photographies du bâtiment de ladite galerie, dont on en retrouve une reproduction sur la pochette du disque d’ailleurs, identique à la couverture du livre. Du blues vous en aurez, du noise aussi pour la superbe fin de la pièce « P », la plus longue des deux et toute en déflagration et d’une jouissance incontestable. L’open tuning est de mise, que l’on connaissait bien chez Noël et Jean-François, moins chez Jean-Marc. La joie du « jouer ensemble » de ces trois-là rejaillit sur l’auditeur que nous sommes et ça c’est aussi un vrai bonheur. Bonheur qu’ont pu partager les spectateurs (honte à moi je n’y étais pas) de l’excellent festival nazairien Farniente en septembre 2011. Musicien commun aux deux disques, Jean-Marc MONTERA se signale à nouveau sur deux pièces où il s’accompagne des deux guitaristes de (feu ?) Sonic Youth, Thurston MOORE et Lee RANALDO, et ayant pour titre « Les Anges du Pêché ». Comme un prolongement de leur rencontre née et déjà (ac)couchée sur disque, sur le fameux MMMR, il y a une quinzaine d’années, 1997 précisément. Et l’on reparle d’ailleurs de cette session puisque le duo avec Thurston ici édité date de ces mêmes sessions (le troisième M de MMMR étant celui de Mazzacane Connors), comme pour faire le pont (viaduc?) entre cette période et l’actuelle, puisqu’à la fois la face et la pièce avec Lee RANALDO est beaucoup plus récente, datant de 2010. Vous l’aurez compris le disque est monté de la même façon = deux duos, un par face. Véritable acteur de la six cordes environnée, Jean-Marc s’était déjà mis à l’œuvre en solo sur ce qui me parait être une pierre angulaire des disques de guitare solo avec son fameux « Smiles from Jupiter » édité en CD chez Grob en 2000, annonçant de nombreux autres beaux disques du genre à écouter chez Oren Ambarchi ou Keith Rowe. Chez Jean-Marc, la guitare n’est pas à plat, mais jouée le plus souvent assis, guitare sur les genoux, comme ici au moins avec Lee (pour avoir vu quelques bonnes vidéos sur le net de ce duo). Si le duo avec Lee se joue des vibrations tourbillonnantes, dans un beau magma aux couleurs cinématographiques douces où l’on reconnait bien les jeux des deux protagonistes, celle avec Thurston sur l’autre face est bien plus noise, ce dernier étant plus familier du jouer plus vite, plus fort et faire beaucoup de rencontres sur le mode des collaborations « free », où Jean-Marc évolue selon une tradition plus free rock à la Derek Bailey ou Fred Frith. Où chacun emmène l’autre en glissandos (assauts ?) au plus prêt du bois de la guitare que du haut du manche. Il s’en échappe de joyeux moments étirés à base d’invectives bien placées. Il sera forcément utile de notifier la qualité de l’objet qui n’enlève évidemment rien au musical, belle photographie de guitare signée Hervé Durand, sur fond noir et jetée sur papier glacée dans une pochette gatefold du plus bel effet. Et le tout à un prix très abordable. Décidément tous les bons ingrédients sont là. Un « must-have » comme on dit outre-manche et outre-atlantique. Dépêchez vous.

CYRILLE LANOË

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